Samedi 14 décembre 2024, un homme est arrivé à pied au Café de la place de Courgeon (Orne). En toute discrétion, il est revenu juste à temps pour fêter l’anniversaire de sa mère.
Pourtant Gildas Guittard est sur la route depuis le 25 juillet dernier ! Au Puy-en-Velay, il avait pris le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, et décidé de rentrer dans le Perche à pied.
Soit un périple de 3 500 kilomètres à travers le froid, les pluies, les tempêtes, mais toujours sur le chemin de la résilience.
Attaque armée
Ancien militaire engagé en opération extérieur (Opex, dans le jargon militaire), cet Ornais de 46 ans a connu un grand traumatisme en novembre 2017. Sur la base de Gao, au Mali, avec les troupes de l’opération Barkhane, Gildas y subit une « attaque armée ».
Il n’en dira pas plus sur cet évènement qui sera le tournant de sa vie. « C’est l’intimité du blessé », explique-t-il en marchant sur la route du retour.
S’ensuivra une longue descente aux enfers, un syndrome post-traumatique, puis la révélation : la marche. Le sport sera le fil conducteur de sa rémission. Seul sur les chemins, il retrouve la quiétude, loin des tirs de mortiers, des pales d’hélicoptères et des secousses qui ont hanté ses nuits de soldat.
Pourtant, tout le parcours de Gildas était tracé pour cette vie au service de sa patrie.
J’avais un grand-père soldat de métier. J’étais bercé de ses récits d’aventures, surtout pendant la Seconde Guerre mondiale. Pour moi, être militaire, c’est défendre son pays, et épouser les valeurs de romantisme, de patriotisme et d’humanitaire qui vont avec.
Le jeune Gildas a alors envie de se dépasser, et soif d’apprendre ce qui lui semble plus une vocation qu’un métier. Il est classé 4e du concours national, dans la catégorie « Transmission, guerre électronique ».
« Ça rentre dans le corps »
Nommé sous-lieutenant en 2016, il passe par Rennes, la « fac militaire » avant d’aller en stage en Angleterre. Puis vient l’heure du grand départ. On lui propose de rejoindre le 41e régiment de transmission au Mali, avec Barkhane, cette opération qui vise à lutter contre les djihadistes au Sahel.
Là-bas, je suis le chef de support de communication. Via les satellites notamment, je coordonne les liaisons avec les chefs au Tchad et bien sûr avec Paris.
Gildas a été préparé. Il a appris à faire des reconnaissances de terrain, des convoyages. Il sait comment réagir en cas d’attaque ennemie. Mais s’entraîner à la guerre et la vivre vraiment sont deux choses tout à fait différentes.
Les vibrations des tirs d’artillerie, ça rentre dans le corps. La moindre cellule du corps réagit. Sur le camp, le bruit était permanent. Ça décolle, ça atterrit, ça tire… Certains réagissent mieux que d’autres, mais ce n’est naturel pour personne.
Addictions
L’attaque armée sera de trop pour Gildas, qui demandera à être rapatrié pour raisons sanitaires.
« Le corps lâchait complètement. J’appelais ça un burn-out. Je suis considéré comme un blessé de guerre. »
Une page Facebook
En commençant son parcours, Gildas a également lancé Résilience 777, une page Facebook où il raconte son périple au jour le jour. La page totalise plus de 1 500 abonnés, et de nombreux soldats blessés ne ratent pas une miette de ses images. « Pour certains, je suis devenu un héros. Ce n’est pas le cas, je ne m’admire pas, mais cela me fait plaisir. Des gens en fauteuil roulant suivent le voyage, et j’ai beaucoup de plaisir à partager avec mes camarades. » Cette page Facebook permettra à quelques officiers, blessés dans leurs chairs ou dans leur esprit, d’aller à sa rencontre sur son voyage. Aussi, Gildas veut transmettre la passion de la randonnée pédestre. « Comment faire un sac, comment bivouaquer, j’aime transmettre ça à ceux qui veulent bien recevoir cette envie. »
Il est en état de stress post-traumatique. Après le Niger et le Tchad, Gildas va atterrir à l’hôpital Béguin à Paris, où il sera pris en charge. Durant plusieurs mois, il sera en proie aux addictions et aux achats compulsifs.
On fume beaucoup, on boit pour essayer de mieux dormir la nuit… J’avais une bipolarité de type 5 (qui se traduit par une hyperactivité quotidienne, N.D.L.R.). Le côté négatif, c’est que j’étais globalement en dépression et très angoissé. Le côté positif, c’est que je ne le montrais pas.
La marche, une révélation
Gildas ira plusieurs jours à Pluneret, en Bretagne, dans une maison qui accueille les blessés psychiques militaires. Il y croise des compagnons d’armes avec qui il peut échanger.
Dans mon parcours de blessé, j’ai vu des soldats complètement défoncés par les médicaments. Pour s’en sortir, il faut aussi mettre de la volonté personnelle. Moi c’était le sport, le yoga, la méditation. J’avais mes rituels. C’est comme ça que j’ai retrouvé un équilibre.
Voilà le déclic. C’est grâce à un ami policier, lui aussi traumatisé, qu’il va découvrir la randonnée. En 2022, il marche plusieurs jours, déjà au départ du Puy, sur les sentiers qui mènent à Compostelle.
« En trois jours, je me sentais bien. Je n’avais plus aucun symptôme de la bipolarité. J’avais déjà envie d’un grand voyage. » Mais la vie en itinérance coûte cher. Gildas va vendre sa maison pour s’offrir sa liberté, en juillet 2024.
Enlever ses peaux
Ce grand voyage est celui de sa rémission, son retour à une vie calme. Sur ses 141 jours de marches, il va faire de très nombreuses rencontres inspirantes.
Ce qui m’est arrivé au Mali ? Je n’en parle pas. J’essaie de prendre ce qui vient. Je n’organise rien. J’ai ma tente, mais je dors aussi en gîte ou en chambre d’hôtes.
Gildas se nourrit des récits de ceux qui cherchent de la spiritualité dans la marche, mais pas seulement. « J’ai croisé une Allemande qui a cassé sa carte bleue. Cela fait un an qu’elle marche, avec plus de 10 000 kilomètres. Ces personnes-là sont incroyables. »
On dit souvent que sur ces sentiers, on enlève ses peaux. Le militaire confirme. « J’ai enlevé en moi ce qui n’était pas bon. J’ai coupé les ponts avec les personnes toxiques. Et j’ai surtout appris des autres. On comprend vite que nos malheurs ne sont pas pires que d’autres. »
« Une vie simple »
Habitué à camper, Gildas retrouve le plaisir simple de prendre une douche chaude après une journée dans le froid. Ou encore à dormir sous un abri bus. « Je me suis même découvert une fibre artistique, en prenant des photos. J’aimais bien faire des étapes urbaines pour pouvoir faire de belles images », se satisfait-il sur la route.
De retour dans son Perche, Gildas, qui a troqué le rasage de près pour la longue barbe, aura le temps de faire le bilan de ce voyage. Le temps aussi de penser à l’après. À un retour au travail, sans doute en douceur. Mais surtout à changer de mode de vie, avec toujours la marche en échappatoire.
« Je veux revenir avec des bonnes intentions. Me détacher de pleins de choses. J’ai envie d’une vie simple, organisée, avec mes petits repères », exprime-t-il avec précision. Le Perche devrait cocher toutes les cases pour son nouveau départ, tellement mérité.
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