« Et, regarde, il y a la grosse qui arrive ! ». « Voici l’autre naze qui pue ! T’as dormi avec tes vaches cette nuit ou quoi ? ». « Ah non, pas le binoclard à coté de moi, sérieux ! Intello de merde ! » « Comme t’es plate ! Faudrait penser à te faire pousser les seins, un jour ! ». « Si tu me files pas tes dix euros, t’est mort demain ! Et si jamais tu racontes ça à quelqu’un, on va te démonter, crois moi ! »…
Insultes, menaces, intimidations, moqueries en public, fausses rumeurs, rackets, agressions, harcèlement scolaire et cyberharcèlement. Certes, ce genre de calamité cible une minorité d’enfants et d’ados dans les établissements scolaires. Mais les conséquences pour les victimes sont très souvent gravées au fer rouge dans leur tête, accompagnant leur vie d’adulte des années durant.
« Je sautais des cours car je ne pouvais plus supporter cette situation »
Dans la classe de Florence Barthélémy, professeure d’histoire au Collège Lafayette au Puy-en-Velay, les 17 élèves de 5ème partagent ce qu’ils savent sur le harcèlement scolaire. Étonnamment lucides pour leur âge, ils emploient les mots de honte, de culpabilité, d’automutilation, d’isolement et de suicide.
Parmi eux, Nolan, 12 ans, partage même devant la classe son expérience passée. « J’ai vécu du harcèlement quand j’étais en CE1 et en sixième, raconte-t-il. On se moquait de moi sur mon poids et mes lunettes ».
Il poursuit : « Tout le monde riait de moi à cause de mes origines, à la fois espagnoles et algériennes. En sixième dans une école privée du Puy, je sautais des cours car je ne pouvais plus supporter cette situation. Mes parents étaient au courant. Mais la direction du collège n’a rien fait. C’est pour cette raison que j’ai quitté cette école pour venir à Lafayette. Depuis, je n’ai plus été inquiété. »
Un numéro existe pour les enfants, ados, élèves, étudiants, victimes de harcèlement scolaire : le 3020
« Nous tentons de repérer les victimes de harcèlement »
Ali et Timéo, camarades du même âge que Nolan, sont devenus des ambassadeurs du dispositif pHARe (programme de lutte contre le harcèlement à l’école). « Nous tentons de repérer les victimes de harcèlement, décrivent-ils. Si on voit qu’un élève est souvent mis à l’écart dans la cour, on ira le voir pour lui demander si tout va bien ».
Ils ajoutent : « Nous avons des professeurs référents à qui nous allons rapporter nos observations. »
« Bien plus que nous les adultes, les ambassadeurs verront ce qu’il se passe sur les réseaux sociaux et notamment les élèves victimes de moqueries, d’insultes, de photos diffusées ou autres formes de harcèlement sur le net », Céline Sabatier
« À propos du cyberharcèlement, les élèves ambassadeurs sont primordiaux »
Céline Sabatier, professeure documentaliste et pièce maîtresse sur la sensibilisation aux différentes formes de harcèlement au Collège Lafayette, partage en ce sens : « Les ambassadeurs sont formés pour repérer les situations de harcèlement et aller vers la victime pour la soutenir. Et surtout pour lui faire comprendre qu’elle n’est pas seule. Ils sont très importants car ils sont au cœur de ce qu’il se passe dans la cour ou même en dehors de l’école. »
Elle souligne aussi : « À propos du cyberharcèlement, les élèves ambassadeurs sont primordiaux. Bien plus que nous les adultes, ils verront ce qu’il se passe sur les réseaux sociaux et notamment les élèves victimes de moqueries, d’insultes, de photos diffusées ou autres formes de harcèlement sur le net. »
« Paradoxalement, une victime va éprouver un sentiment de honte, de culpabilité et se demander si finalement cette situation n’est pas de sa faute », Céline Sabatier
« Se terrer dans le silence est la pire des solutions »
La Maison des ados, le brigadier Astier, Justice et Partage, l’Asea 43, serious game… pléthore sont les ateliers et les intervenants pour cette journée de lutte contre le harcèlement. Pour Céline Sabatier, la priorité est de casser ce que nombre de victimes adoptent, à savoir le silence.
« C’est le plus grand danger, confirme-t-elle. La première chose à faire, dès les premiers signes de harcèlement, est d’en parler. C’est très important pour que le problème ne prenne pas une ampleur grave et incontrôlée. Se terrer dans le silence est la pire des solutions ».
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