Cinq ans après les faits, Hedi Bahrini revient sur le jour où il a été touché par un plot de grenade de désencerclement. Ce dernier atteint le manifestant au visage, « fracturant l’orbite, le nez et coupant l’œil ».
« On peut vivre, mais il y a un deuil à faire », confie Hedi Bahrini à l’AFP. Cet homme de 45 ans a perdu son œil gauche le samedi 1er décembre 2018, lors du troisième week-end de mobilisation, quand la tension est montée subitement dans la préfecture de Haute-Loire, d’ordinaire paisible.
Armé d’un appareil photo, Hedi Bahrini veut documenter la « colère » des manifestants, leur « souffrance qui ne s’exprime pas d’habitude ».
Sa blessure arrive en début d’après-midi. Il est rapidement évacué à l’hôpital, bien avant que les cocktails molotov n’embrasent la préfecture, où se sont réfugiées une trentaine de personnes.
Il porte plainte en 2019
Sur son lit d’hôpital, Hedi Bahrini échappe à ce tumulte. Il passe les neuf mois suivants, « comme mort et éteint » avant de progressivement découvrir que sa blessure peut être aussi une opportunité.
Cette renaissance « ne se fait pas du jour au lendemain : on est défiguré, il y a un deuil de soi, de son identité à faire, avant de s’en inventer une nouvelle », témoigne-t-il.
Formateur en maroquinerie, il se reconvertit et devient encadrant de travailleurs handicapés dans un atelier attaché à l’hôpital psychiatrique de la ville. Il espère désormais devenir éducateur spécialisé.
Début 2019, il avait porté plainte mais la procédure a été classée sans suite après enquête de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) en juillet 2020. La procédure civile pour obtenir une indemnisation est en cours auprès du tribunal administratif de Clermont-Ferrand.
Il a appris en mars 2022 la mort du gendarme, auteur du tir qui l’a défiguré. « Ni content ni triste », il regrette qu’il ne puisse plus y avoir « de coupable », ni d’explications sur ce qu’il s’est passé. Mais « on ne peut être en colère contre un mort, on choisit de vivre aussi ».
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