« À partir du mois de juin, il n’y aura plus qu’un seul médecin sur un territoire comptant 4.000 habitants, qui consultera seulement deux demi-journées par semaine », se désole Joël Plantin, maire de Saugues. La petite ville du Gévaudan tente de trouver des solutions. Une situation complexe depuis déjà plusieurs années…
Si le Gévaudan a compté des médecins emblématiques dans son histoire, à l’instar des Dr Simon ou Vieilledent, le territoire a été rattrapé par la désertification médicale depuis une dizaine d’années. À Saugues, le maire Joël Plantin n’est pas le seul à s’inquiéter de la situation qui, au mois de juin, risque de prendre une tournure catastrophique. « La population est très préoccupée. Elle est âgée. Les gens comprennent bien qu’on n’est pas les seuls à manquer de médecins… », soupire l’élu.
Deux médecins interviennent aujourd’hui à Saugues, à commencer par le Dr Yves Rousseau, dont le cabinet médical voisine avec la mairie. À bientôt 65 ans, le praticien devrait partir en retraite d’ici quelques semaines. Voilà quatre ans qu’il s’est installé ici après avoir officié à Beaulieu, à une époque où Saugues ne comptait déjà plus qu’un seul médecin, le docteur Gigodeaux… Le Dr Rousseau parti, le Dr Sebastien Brun restera seul, à raison de deux demi-journées par semaine (il officie demain le reste du temps à Langeac).
Pour comprendre la situation, un retour en arrière s’impose. Avant 2010, on dénombrait quatre médecins à Saugues : les Dr Georges Vieilledent, Joseph Crozatier, Gabriel Ardana et Patrick Bourret. « Quand ce dernier s’est installé au Puy-en-Velay, il ne restait plus que trois médecins “de l’ancienne génération” qui faisaient plus de 35 heures par semaine ! », se souvient le maire.
Tous trois ont pris leur retraite successivement de 2012 à 2016. C’est justement en 2016 que le Dr Philippe Gigodeaux s’installe dans le bourg. Devant le cabinet médical qui se vide, la municipalité d’alors se tourne vers des recruteurs de médecins, « une solution parmi d’autres pour trouver », remarque Joël Plantin.
Les deux médecins espagnols ne sont restés que deux ans et demi sur le secteur
Deux médecins espagnols débarquent quelques mois plus tard. La municipalité met tout en place pour faciliter leur accueil avec un logement gratuit pendant six mois ainsi qu’un cabinet médical gratuit et tout équipé. L’Agence régionale de santé (ARS), de son côté, verse une prime d’installation de 50.000 euros à chacun en contrepartie de quoi ils s’engagent à rester à Saugues pendant au moins cinq ans. Mais cela n’a pas suffi : les deux jeunes praticiens sont restés deux ans et demi avant de quitter le Gévaudan pour Toulouse… « Leur départ a été brutal, reconnaît volontiers l’élu. C’était en pleine crise sanitaire ! ». La situation se tend, le Dr Gigodeaux doit partir à la retraite en 2021. En juillet 2020, le Dr Rouseau reprend donc la suite, épaulé par la suite par le Dr Sébastien Brun. En 2020 toujours, la municipalité avec la Communauté de communes des rives du Haut Allier missionne deux nouveaux cabinets pour recruter des médecins étrangers. « Depuis des années, on fait venir des médecins étrangers en France. Au fil du temps, il y a de moins en moins de candidats. Souvent se pose le problème de l’équivalence des diplômes dès que le médecin n’est pas un ressortissant européen. Sans parler de la barrière de la langue… », soupire Joël Plantin qui explique avoir eu « quelques touches notamment un médecin portugais et des Roumains, mais ça ne s’est pas concrétisé ».
Devant la difficulté à se faire soigner, des patients ont trouvé d’autres solutions. Certains vont consulter à Langeac ou sur le bassin du Puy-en-Velay, voire en Lozère. Pour les patients âgés, les choses sont plus compliquées. Depuis quelques années, le Département lance des opérations séductions en direction des internes en médecine de Clermont-Ferrand et Saint-Étienne à l’instar de la Lozère et de l’Allier. La situation géographique, le nombre d’heures avec une patientèle importante ou le manque de confrères sont autant de freins qui dissuadent de nombreux candidats. « Pour remplacer un médecin de l’ancienne génération de médecins, il en faut deux de la nouvelle ! Bien sûr, la ville de Saugues n’est pas un cas isolé en Haute-Loire et de fait, se crée une espèce de course à l’échalote à qui décrochera le plus vite son médecin.Le GIP devrait être aménagé dans l’actuel cabinet médical. Photo Nathalie Courtial
Saugues est inscrit dans le dispositif France ruralités revitalisation (FRR et anciennement dénommé ZRR) qui permet aux professions libérales, notamment médicales, de bénéficier d’une exonération fiscale pendant cinq ans et trois années dégressives. Avec, parfois, un effet pervers, à savoir celui de créer un turnover des professionnels. De plus, l’ARS octroie une aide globale à l’installation de l’ordre de 50.000 euros aux médecins dans le cadre du dispositif Zone d’intervention prioritaire (ZIP). La commune met, quant à elle, à disposition des cabinets médicaux, situés à deux pas de la mairie, dans l’ancienne maison de retraite rénovée. Faute de la présence d’au moins deux généralistes pour élaborer un projet de santé comme le préconise l’ARS, une maison médicale est rendue inaccessible. On trouve néanmoins des infirmières, un kiné, un ostéopathe, une diététicienne et une sage-femme.
Vers un Groupement d’intérêt public
On comprend mieux pourquoi l’implantation d’un Groupement d’intérêt public (GIP) pourrait faire figure de solution inespérée. Devant l’urgence, la ville a en effet été préférée à Brioude. Ce dispositif lancé en 2023 par la Région Auvergne Rhône-Alpes vise à salarier des médecins dans les déserts médicaux dans le cadre du Plan régional de santé. À Saugues, deux médecins devraient être recrutés en contrat à durée déterminée pour deux ans, trois ans exceptionnellement, renouvelable une fois. Autrement dit, ces médecins resteraient au mieux six ans salariés, le temps peut-être de se décider à s’installer en libéral ou pas. « Le GIP fait partie des solutions, tempère le maire. Inespérée peut-être, parce qu’elle arrive au bon moment ! Nos cabinets de recrutement travaillent toujours. Quand bien même deux médecins seraient salariés sur Saugues, il y a de la place aussi pour des médecins libéraux ». Les collectivités (la Région, le Département, la communauté de commune et la commune) travaillent d’arrache-pied à la mise en place de ce GIP via l’élaboration d’un contrat de santé, de fiches de poste, l’embauche d’une secrétaire rétribuée par la Région et la mise à disposition par la commune de locaux au cabinet médical. Reste l’épineuse question de l’Ehpad, qui compte 86 lits. « On souhaite salarier un médecin coordinateur, on a une piste avec un médecin retraité. Mais il est compliqué de salarier un praticien », observe le maire. Ce dernier est bien conscient d’un impératif : « il faut que tout soit prêt en juin. Bref, on n’attend plus que les médecins… »
Nathalie Courtial
Le plateau du Devès, l’autre désert médical du département
Le choix de Landos avait crispé à Costaros. Photo d’archives
« L’essentiel est d’avoir un médecin », déclarait en février dernier Paul Braud, président de la Communauté de communes des pays de Cayres-Pradelles.
Costaros et Landos étaient en lice pour accueillir le premier Groupement d’intérêt public du département (le GIP des pays de Cayres-Pradelles). C’est finalement Landos qui l’a emporté auprès conseillers de la Communauté de Communes du Pays de Cayres-Pradelles en janvier.
Un choix qui n’a pas été compris du côté de Costaros, notamment par les professionnels de santé. « On a le sentiment que les structures vont se démultiplier comme les maisons de santé pour qu’au final, celles-ci restent vides. Ne vaudrait-il pas mieux s’appuyer sur les existantes ? », avait notamment regretté l’infirmière Noëlle Menut.
À Cayres-Pradelles, l’installation du Gip santé à Landos divise
Deux médecins salariés bientôt ?
Une pétition avait même été lancée en ligne pour protester et dénoncer « une décision purement politique qui ignore les besoins réels des habitants » ; elle a recueilli 80 signatures.
Le pays de Cayres Pradelles compte aujourd’hui un médecin à Cayres de bientôt 50 ans, et deux praticiens retraités à Costaros et Landos qui continuent leur activité. Ce GIP devrait permettre d’embaucher deux médecins salariés.
À quelles conditions ? Sur le site de la Région, le début du contrat stipule la date du 1er septembre. Le temps de travail sera de 35 heures par semaine, avec cinq semaines de congés payés ou équivalent. Le temps partiel est aussi possible. Enfin, l (employeur mettra à disposition le mobilier, l’équipement médical, informatique et les logiciels, et assurera leur maintenance.
« À Brioude, tout est prêt… mais on attend toujours les médecins »
Dans le Brivadois, à l’instar de Roland Chareyron, vice-président en charge de la santé à la communauté de communes Brioude Sud Auvergne (CCBSA), les élus se démènent pour trouver des médecins.
« Si nous pouvions faire venir trois ou quatre généralistes, ce serait vraiment l’idéal, calcule l’élu. Nous avons créé la maison médicale de garde, mis en place la Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), on prépare notre pépinière médicale près de l’ancienne école Jean-Pradier qui sera ouverte à tous les professionnels de santé dès le mois de janvier, nous avons voté à la CCBSA un budget annexe pour être en mesure de salarier deux médecins et un agent administratif du jour au lendemain… On a fait beaucoup. On est prêt… mais on attend toujours les médecins. »
Pour les faire venir dans le Brivadois, Roland Chareyron le sait, la beauté des paysages et la promesse d’une belle qualité de vie ne suffiront pas. « Dès la fin de leurs études, les médecins ont l’embarras du choix, tout le monde les veut ! Il faut du travail pour le conjoint, des écoles pour les enfants, des clubs sportifs, de l’immobilier disponible… C’est tout un environnement qui est pris en compte ».
Quant à la solution des centres de santé, Roland Chareyron reste perplexe : « Ça part d’un bon sentiment, mais encore faut-il trouver des médecins à y mettre dedans. »
Mathilde Fontès
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