Retour sur le premier exploit aéronautique au-dessus du Puy-en-Velay. Dans des conditions périlleuses, le jeune (et un peu fou…) Jean Bielovucic a traversé le ciel vellave un jour de juillet 1911.
C’est en 1911 que le ciel du Velay a vu des hommes voler dans leurs drôles de machines à moteur pour la première fois. Le vaste pacage appelé La Chalm de La Roche, sur le territoire de la commune de Saint-Christophe-sur-Dolaizon, est choisi. Le terrain est nivelé, les pierres à fleur de sol sont ôtées et se transforme en un aérodrome, pour la première vraie fête aéronautique vellave.
Védrines vient de capoter !
Deux jeunes pilotes, Jules Védrines et Jean Bielovucic, brevetés depuis quelques mois, sont invités. Védrines a un monoplan Morane, de 8,5 mètres d’envergure. Bielovucic (plus connu sous le surnom de Bielo) dispose d’un biplan, fabriqué par Voisin Frères, de 13 mètres d‘envergure. Le samedi 15 juillet au matin, des autobus bondés, marqués « Cordes-Aviation » et équipés de drapeaux tricolores, déversent sur le terrain des centaines de spectateurs venus de toute la région.
Mais l’orage gronde, la foudre tombe à Loudes… et le vent souffle par rafales ! Un vieux paysan, consulté pour savoir si la journée s’écoulerait sans pluie, a lâché, la main sur le cœur, cette prophétie. « Per acheüra que plouro pas, nou ! Vou pouode pas acheüra ; mais dière, sedieür, que plouro, vou pouode pas dière ! » Ce devait être un Vellave d’ascendance normande…
En début d’après-midi, les deux aviateurs préparent, malgré tout, leurs appareils. À 16 h 05, Védrines tente un départ. « Il parcourt un quart de la piste, mais soudain, l’appareil décole », est-il écrit dans le journal. Décolle avec une seule « aile ». Serait-ce prémonitoire ? Hélas oui… Voici la suite : « L’aviateur fait un demi-tour directement sur Saint-Christophe puis pique de l’avant sur le sol ; l’aile gauche est brisée. » « Védrines vient de capoter ! », crie la foule. Légèrement blessé à la jambe, il s’en sort quand même bien… Mais tout est terminé pour lui, il ne pourra plus voler, ni le soir, ni le lendemain : le moteur a été endommagé.
Bielo, plus prudent, attend 18 h 15 et la chute du vent pour prendre son envol. Décollage facile. Deux tours de « l’aérodrome » à faible hauteur pour satisfaire le très nombreux public. Et atterrissage un peu mouvementé : l’hélice de l’appareil ayant été légèrement endommagée par un bouchon de réservoir qui s’est détaché.
Les mécanos font immédiatement les réparations nécessaires et, à 19 heures, Bielo s’envole à nouveau. Il s’élève peu à peu, élargissant ses cercles autour de « l’aérodrome », passant en rase-motte au-dessus de la foule qui l’acclame chaleureusement. Atterrissage encore facile et retour au hangar pour la nuit. Déception : le temps orageux n’a pas permis d’aller survoler Le Puy.
Bielo tente le prix Polignac
Le dimanche 16 juillet, le ciel est bleu. Le biplan Voisin de Bielo en profite pour enthousiasmer les spectateurs avec des « évolutions hardies ». Le pilote s’enhardit lui aussi : il veut tenter le prix Polignac, avec, à la clé, une somme rondelette.À Cordes, Jules Védrines pilote un monoplan. En 1911, il est la star de l’époque. Sa vie se termine le 21 avril 1919, à Saint-Rambert-d’Albon (Drôme) : le moteur de son avion étant en panne, il s’écrase au milieu des vignes. Il avait 37 ans. Collection Pierre Martin
Le prix Polignac, c’est le survol de la Vierge du Puy et du donjon de la forteresse, avec retour à Cordes, dans le même vol. Il est 15 heures, le vent est calme et régulier, Bielo fait un premier essai. L’avion décolle, réalise un tour de « l’aérodrome » pour prendre de la hauteur puis pique droit sur La Roche. Le biplan s’engouffre dans le ravin du Dolaizon. Bielo disparaît et, aussitôt, des « Oh ! » s’élèvent : la foule bruisse, croit à un accident. Mais non ! L’avion file en direction du vallon de Vals. Il vole vraiment très bas. Bielo amorce un virage et remonte l’avenue qui mène au Puy, à seulement quelques dizaines de mètres au-dessus du sol. L’appareil est fortement secoué. Les spectateurs de Cordes s’inquiètent, mais, au Puy, c’est l’angoisse totale. Ceux qui ont la chance de l’apercevoir s’époumonent : « Il vole beaucoup trop bas ! Il va se briser contre une cheminée des maisons de la Haute Ville ! Le moteur ne doit pas fonctionner ! Il n’est plus maître de son appareil ».À Cordes, Jules Védrines pilote un monoplan. En 1911, il est la star de l’époque. Sa vie se termine le 21 avril 1919, à Saint-Rambert-d’Albon (Drôme) : le moteur de son avion étant en panne, il s’écrase au milieu des vignes. Il avait 37 ans. Collection Pierre Martin
Bielo semble bien, effectivement, rencontrer des difficultés. Il boucle, tant bien que mal, le tour de la statue de la Vierge, évite de justesse le rocher d’Aiguilhe, hésite à remonter au niveau du plateau, puis se ravise et prend la direction d’Espaly. Courageux, mais pas téméraire, Bielo n’insiste apparemment pas : tant pis pour le prix Polignac !
On le voit prendre la direction du vallon de Ceyssac. Là encore, il frôle le rocher. Péniblement, il débouche sur le plateau, vers le mont Croustet. Le biplan vole très bas. Pas de tour d’honneur : il est 15 h 30, Bielo touche le sol de la piste au milieu des acclamations enthousiastes de la foule.
Après l’arrivée, très ému, Bielo avoue : « Pour la première fois de ma vie, j’ai eu très peur. Lorsque j’ai été au-dessus de la vallée, je me suis senti attiré vers le sol par une force puissante irrésistible. Mon appareil tanguait fortement. Les remous étaient si violents que j’étais obligé de me dresser debout ! »premier vol
Et il ajoute, tout tremblant : « Si jamais j’ai eu peur, c’est bien aujourd’hui. Je volais si bas que si j’avais voulu filer sur Polignac, je serais entré dans la colline. Plutôt dix fois Paris-Bordeaux que le vol que j’ai fait aujourd’hui… »
Vite réconforté par quelques coupes de champagne et les encouragements du maire du Puy, Bielo retrouve rapidement ses esprits. D’autant plus rapidement que Léon Coudeyrette lui annonce que, devant son exploit héroïque, et bien qu’il n’ait pu franchir la plaine de Rome pour aller survoler le donjon de Polignac, le jury a exceptionnellement décidé de lui accorder le prix Polignac.Samedi 15 juillet 1911, à 16?h?05, Jules Védrines tente un départ. Selon les uns, une rafale de vent le fait capoter juste au moment où il s’élevait dans le ciel de Cordes. Selon d’autres, n’arrivant pas à décoller en bout de piste principale, Védrines se serait engagé sur un terrain parsemé de cailloux. Sur ces documents exceptionnels, on voit ses mécaniciens charger la carlingue du Morane, les ailes détachées sont encore à terre. Collection Pierre Martin
Soulagé et ravi, Bielo décide alors de remercier le public à sa façon. À 16 h 50, il remonte dans son biplan et va assurer le spectacle. Plein d’essence refait, il redécolle et anime le ciel sans discontinuer pendant plus d’une heure. Vols, survols, atterrissages, décollages, vols planés… Bielo « met le feu » au public de Cordes !
Un tour de piste à deux dans l’avion
Sur ces entrefaites, Védrines arrive à « l’aérodrome ». Privé d’avion, il était resté dans son hôtel au Puy. Mais, ayant assisté au survol de la ville, il n’a pu résister : il lui faut venir féliciter Bielo. Profitant d’une pause ravitaillement, il s’approche. Bielo l’aperçoit et vient à sa rencontre. Les deux pilotes se congratulent et discutent. Soudain, Bielo se retourne vers le public et annonce une énorme surprise : Védrines va prendre place à ses côtés dans le biplan ! Sous les acclamations de la foule, l’appareil, ainsi chargé, roule, roule, roule… sur une longue distance. Le public retient son souffle. In extremis, l’avion s’élève mais ne peut pas prendre de hauteur. On ne sait comment, les deux aviateurs réussissent malgré tout à faire un tour de « l’aérodrome » puis le biplan Voisin se pose en catastrophe sur la piste de secours. Le pire a été évité ! La foule exulte.Sur ce cliché historique, on aperçoit le biplan Voisin de Bielovucic, en route vers la Vierge. Nous sommes le dimanche 16 juillet 1911 à 15 heures et quelques minutes. Parti de l’aérodrome de Cordes, Bielo s’est engouffré dans le vallon du Dolaizon. Collection Pierre Martin
Il est près de 19 heures, le public envahit le terrain pour féliciter les héros du jour. Védrines, assez mutique la veille, est aujourd’hui d’excellente humeur. Avec la plus grande complaisance, les pilotes signent nombre de cartes postales. Le lendemain, Bielo reçoit, à la mairie du Puy, et des mains du maire, le prix Polignac. Védrines déclare ne pas vouloir laisser le public sur son échec. Il veut revenir prendre sa revanche et parle de début août (ce qui n’arrivera jamais…).L’aérodrome aujourd’hui… Sur cette vue aérienne actuelle de La Chalm de La Roche, la centrale photovoltaïque, le dancing-bowling et le terrain de football occupent l’espace utilisé pour l’éphémère terrain d’aviation de Cordes. En jaune : les limites du terrain de 1911. Photo Montgolfière en Velay
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