Le Puy-en-Velay (Haute-Loire).– Les trains au Diesel qui ronronnent dans la gare affichent avec fierté les couleurs de la région, bleu et blanc. Il suffit de parcourir une petite centaine de mètres à pied dans la préfecture de la Haute-Loire pour voir à trois reprises le logo de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Pas de doute, le Puy-en-Velay reste le fief de son ancien maire, Laurent Wauquiez, aujourd’hui président (Les Républicains) de la région et candidat à la députation.
Pourtant, celui qui est surnommé par ses détracteurs « le seigneur des panneaux » depuis qu’il a imposé une signalisation spéciale sur la voie publique au moindre investissement régional, est en mauvaise posture, malgré tout le mal qu’il s’est donné pour faire de la pub à son action au siège de la région, à Lyon (Rhône).
« Moi, je pensais qu’il pouvait être élu dès le premier tour, c’est chez lui un peu ici », commente Fabien*, militant du coin. Mais dans la 1re circonscription de Haute-Loire, si le candidat LR est bien arrivé en tête avec 36,80 % des voix, il est talonné de très près par le Rassemblement national, avec 34,18 % des suffrages.
Arrivée en troisième position (18,7 % des voix), Celline Gacon, la candidate investie par le Nouveau front populaire, a annoncé son désistement dès le lundi 1er juillet, « après quelques coups de fil avec les collègues écolos », au nom du barrage républicain. « J’ai eu Marine Tondelier tard dans la nuit, qui m’a expliqué qu’il s’agissait peut-être de la circonscription dans laquelle la décision était la plus difficile », se rassure Celline Gacon. Tellement difficile qu’« [elle a] dû [s]e mettre au vert », explique la candidate. « Jamais je n’appellerai à voter pour M. Wauquiez », avait-elle annoncé dans son communiqué de désistement.
Depuis, l’écologiste sillonne la région à vélo, le plus loin possible du Puy-en-Velay, pour « prendre du recul après la pression de la campagne ». Car « prendre la décision de se retirer en laissant un personnage comme Laurent Wauquiez, c’est plus que distordant », explique celle qui a « toujours lutté contre sa politique ». « Je laisse toute la liberté à mes électeurs de faire ce qu’ils souhaitent, mais appeler à voter pour lui, c’est juste pas possible », insiste Celline Gacon, également conseillère municipale d’opposition dans la commune.
« Wauquiez, il tire à droite toute, et on le sait bien », assène-t-elle. Pour elle, en réalité, « le second tour revient à un duel entre l’extrême droite et la droite extrême ». Et elle est loin d’être la seule à le penser, dans le petit monde des électeurs et électrices de gauche de la circonscription.
Le doute, le doute, le doute
Fabien en a des exemples plein la tête. En plus de « la politique antisociale » du président de région, il n’arrive pas à digérer le « laisser-faire » de la commune et des institutions locales après la création d’une librairie d’extrême droite « qui a proposé à la vente des livres négationnistes ». Il est l’un des rares ici à savoir déjà ce qu’il va advenir de son vote.
« Je vais le faire, je vais prendre un bulletin Laurent Wauquiez. Ça aura au moins le mérite de ralentir le processus de majorité absolue du RN à l’Assemblée nationale, il ne faut pas que la Haute-Loire envoie elle aussi un siège au RN », glisse le militant, sans le crier sur tous les toits. Ce ne sera pas chose aisée, mais Fabien participera « au barrage républicain le plus difficile du pays ».
Comme beaucoup, Pierre Marsein en est encore au moment de la réflexion. Celui de la digestion des résultats a été long et difficile. Dans son bureau rempli de tracts syndicaux appelant à la lutte contre l’extrême droite, le secrétaire général de la CGT de la Haute-Loire rumine les petites phrases qui le font douter.
Il n’est pas le seul à la citer, mais la sortie de Laurent Wauquiez sur « l’assistanat » qu’il comparait à « un cancer pour la société » est restée dans les mémoires. La formule, qui date de 2011, lorsque Laurent Wauquiez était ministre des affaires européennes dans le gouvernement Fillon, est restée dans les têtes, symbole de sa « dérive droitière ».
« Avec mes collègues, dès qu’on se croise dans les bureaux du syndicat, on en parle. Et notre préférence pour dimanche change toutes les heures, en fonction de l’humeur », raconte le secrétaire départemental. « Aujourd’hui, ce peut-être un rempart à un siège en plus au RN, mais certainement pas un rempart aux idées d’extrême droite, avance le syndicaliste. Je suis certain que s’il sortait de l’ENA maintenant, il deviendrait collaborateur parlementaire d’un élu RN. »
Pierre Marsein jette un coup d’œil régulier à la petite feuille qu’il a placée au-dessus de la pile de documents syndicaux siglés du logo de la CGT. Il y a griffonné un petit tableau, et des calculs en pagaille. Ce sont les résultats du premier tour, qu’il étudie avec assiduité. Il n’y a que 2 000 voix d’écart dans toute la circonscription entre Laurent Wauquiez et le candidat RN, pour un peu plus de 100 000 inscrit·es. Cette perspective lui ferait presque oublier un instant la ligne politique du premier. « D’habitude, je suis parmi les premiers à voter dans la matinée, mais je pense que je vais changer mes habitudes, pour avoir un peu plus de temps pour réfléchir », soupire le syndicaliste.
Demande de clarification
« Sa trajectoire politique fait qu’on n’a aucune assurance si on met un bulletin Wauquiez dans l’urne », abonde Laurent Johanny. L’élu municipal d’opposition, membre de Génération.s, est lui aussi toujours en train de réfléchir à son choix pour dimanche. En attendant, les militant·es de gauche tentent de mettre la pression sur Laurent Wauquiez.
Sur son téléphone, Laurent Johanny parcourt le document qu’il a envoyé à la presse lundi soir. Après avoir évoqué une « décision délicate » et expliqué « comprendre le désistement de la candidate NFP » qui, même « s’il ne satisfait personne », permet de « se hisser à la hauteur du moment ». La suite du communiqué s’adresse directement au candidat LR, demandant à ce « qu’il s’engage à ne pas participer à une majorité avec l’extrême droite. Sans quoi il trahirait les citoyens de la 1re circonscription de la Haute-Loire ».
De l’autre côté du département, dans la 2e circonscription, le candidat LR Jean-Pierre Vigier vient justement de clarifier sa position dans le journal local. « Je suis un élu de la droite républicaine, je ne passerai aucune alliance avec le Rassemblement national si je suis élu dimanche », a déclaré le député sortant dans L’Éveil.
« C’est bien, ça met la pression sur Laurent Wauquiez », se réjouit Laurent Johanny. Dans les rues de la ville, un collage militant a été réalisé dans la nuit de mercredi à jeudi, interrogeant les passant·es : « Mieux vaut quiez ou ère haine ? » Mais dans le même temps, Laurent Johanny s’interroge. Le silence du président de région, alors que son collègue de la circonscription d’à côté a pris une position claire, ne serait-il pas en fait une réponse ? Sans cette clarification, il y a peu de chances que l’élu municipal aille déposer un bulletin Wauquiez dans l’urne dimanche.
Aurélie* scrute aussi cette clarification potentielle avant de se décider. Celle qui fait partie d’une chorale militante se reprend immédiatement, et se dit qu’en définitive, Wauquiez « votera les lois portées par le RN de répression des migrants par exemple ». Et même chose sur la ligne économique, sensiblement similaire, selon elle. « Ce matin dans le journal il a dit qu’il ne faut laisser personne sur la touche, ce n’est pas trop son style », a repéré Hervé, y voyant une tentative de rassurer l’électorat de gauche.
Après la répétition d’une heure et demie, la chorale se détend autour d’un barbecue. Et quand vient le nom de Laurent Wauquiez, la discussion s’anime. « Ça ne peut être que viscéral, il y a les gens qui le détestent et les gens qui l’adorent », décrypte Aurélie. Autour de la table, alors que la nuit commence à tomber sur les vallons, il y a bien deux camps. Celles et ceux qui votent dans la 1re circonscription, et continuent de s’interroger, et les autres, qui votent « de l’autre côté, dans la deuxième », souhaitant bon courage aux premiers.
Le premier intéressé lui-même, Laurent Wauquiez, rencontré par hasard dans les rues du Puy-en-Velay alors que nos sollicitations sonnaient dans le vide, explique « avoir toujours été clair » sur son rapport au RN. « J’ai été le premier à réagir et m’opposer quand Éric Ciotti a pris la décision de se rallier à ce parti », explique-t-il en déambulant. Interrogé, alors, sur le fait de s’y engager auprès des organisations de gauche qui le lui demandent, Laurent Wauquiez n’en voit pas l’intérêt.
Ses détracteurs voient dans le score du RN une « claque » pour Laurent Wauquiez mais aussi la preuve par A+B « qu’en reprenant les thèmes de l’extrême droite dans son discours politique, on ne siphonne pas les voix de l’extrême droite, mais on la renforce durablement ». « Après tout, pourquoi les électeurs iraient vers la copie quand ils pourraient avoir l’original ? », s’interroge Renaud Daumas, conseiller régional écologiste, seul représentant de la Haute-Loire dans l’opposition à Laurent Wauquiez.
À quelques kilomètres de là, le maire de Saint-Germain-Laprade, « un des seuls maires de gauche du coin », comme il se décrit, semble tout aussi gêné, mais bien décidé. Guy Chapelle glissera un bulletin Wauquiez sans trop trembler. Pour lui, l’important est ailleurs que dans ses désaccords avec le président de région, car en face, « le Rassemblement national est un parti xénophobe, antisémite et islamophobe ».
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