Le GR65 est le principal itinéraire emprunté pour rejoindre Saint-Jean-Pied-de-Port, puis Saint-Jacques-de-Compostelle. Fort de son histoire, le Puy-en-Velay s’est auto-proclamé « capitale du camino français ». Un coup bien rodé qui lui a permis de booster son économie.
« Qui s’écarte de la foi perd sa route. » Le Puy-en-Velay le sait bien. Depuis 40 ans, une grande partie de la vie locale tourne autour des chemins de Compostelle. La cité mariale s’inscrit non seulement comme le principal point de départ, mais aussi comme « LA » capitale du camino. Une distinction qu’elle fait largement fructifier.
Avoir l’accroche historique
Le premier évêque à avoir fait ce pèlerinage était ponot. De là part tout le storytelling (l’art de raconter une histoire, N.D.L.R) de la ville. Il était une fois, Godescalc. Il prend le chemin pour Saint-Jacques-de-Compostelle en 952. Le mythe est ainsi devenu une référence gravée dans la pierre, place du Plot : « Ici prend naissance la Via Podiensis ». Le GR (Grande randonnée) 65 court jusqu’à Saint-Jean-Pied-de-Port, avant que le chemin espagnol ne prenne le relais. Mais d’autres voies existent. La Via Podiensis n’a pas le monopole du Chemin. Au même titre que Le Puy-en-Velay, Tours, Arles et Vézelay sont aussi des « starting points ». « Ce n’est pas un départ mais un point de passage, glisse un guide local, spécialisé en histoire médiévale. À l’origine, les gens venaient en pèlerinage pour Marie. Si la ville est importante et symbolique, c’est d’abord parce qu’elle a été une destination mariale. » Et il y a autant de points de départ possibles qu’il y a de pèlerins.
Faire fructifier le business
Pour attirer les jacquets, Le Puy devait être inscrit dans le registre officiel. Et puisqu’on parle de pèlerinage, autrement dit de (grande) randonnée, rien de tel que la Fédération française dédiée. Le livre de référence du pèlerinage de Compostelle, le Codex Calixtino, introduit la première notion d’itinéraire. Ces traces de la Via Podiensis remontent au XIIe siècle. Parmi tous les chemins renseignés, celui du Puy est resté le plus « naturel ». Goudron, bidons, camions faisaient mauvais genre sur un chemin spirituel. La Via Podiensis est partie grande favorite et s’est hissée en tête. Dès 1962, on installe la première balise du GR65. En 1971, le sentier de grande randonnée devient officiel. Incontournable.
La voie tracée, des coquilles Saint-Jacques s’incrustent partout dans la ville. En panneaux, en poinçons dorés sur les pavés, en gravures… un puits de coquilles. Au point de devenir le symbole du Puy-en-Velay.
Le marketing flambe. Boutiques de souvenirs, noms de commerces en référence à la coquille, édition de guides… le business de la ville, voire du département, fait du Camino son fil rouge. Un fil d’Ariane. Si bien qu’aujourd’hui, la Haute-Loire investit des millions sur son attractivité touristique et culturelle. Pour faire fructifier ce marché florissant, la ville et l’Église ont entretenu des liens historiques avec l’histoire du catholicisme. Depuis 2014, la cathédrale accueille une relique du Pape Jean-Paul II : une fiole de son sang. De la même manière, l’esplanade Godescalc a été inaugurée l’année dernière.
Devenir une référence
Par où doit-on passer pour rejoindre Saint-Jean-Pied-de-Port ? Le Puy-en-Velay, bien sûr. Où faire tamponner la première case de sa crédenciale ? Notre-Dame du Puy, cela va de soi. Quel est l’itinéraire le mieux pourvu en gîtes ? La Via Podiensis, évidemment. La cité mariale met en avant son histoire à son profit, en soulignant des étapes historiques de son évolution. Ville de passage plus que de séjour, Le Puy-en-Velay a magistralement su faire prospérer son histoire. Autant par son aspect spirituel que patrimonial. La Vierge, la cathédrale, les chapelles… Comme autant de sites que touristes et pèlerins veulent découvrir. Une aubaine pour les Ponots et le département de la Haute-Loire. Forte d’un imaginaire séculaire, la ville est un joyau à polir. Reste à rappeler que le pèlerinage n’est pas l’idée d’une case départ mais d’un lieu d’arrivée.
Élise do Marcolino
Le Puy éclipsé par Lourdes ?
Malgré ce succès, « la capitale » n’atteint pas les sommets. Lourdes, pour ne citer qu’elle, éclipse toujours et encore Le Puy. La procession des flambeaux est organisée tous les soirs d’avril à octobre au cœur de la ville pyrénéenne. Plus de 2 millions de pèlerins affluent chaque année pour assister à un miracle ou formuler quelques prières dans l’espoir d’une grâce de la Vierge.
Une vague de fidèles bien supérieure à celle que voit passer le Puy, qui pourtant regorge d’histoires de Bernadettes. La dimension spirituelle de Lourdes, qui a pourtant 5.000 habitants de moins que le point de départ du Camino, a réuni des centaines de milliers de touristes supplémentaires. Un miracle qui n’a malheureusement pas touché Le Puy…
Difficile de « tenir le coût » pour les commerces sur le Chemin
Cathy favorise les circuits courts.
Les étapes phares du Chemin de Saint-Jacques veulent garder le monopole marchand. Difficile d’exister commercialement sur les sentiers annexes. Dans le hameau de Lic, à Saint-Christophe-sur-Dolaizon, Cathy en paie les frais.
Aucun restaurant, aucune boulangerie, aucun commerce sur le Chemin, entre Saint-Christophe-sur-Dolaizon et Montbonnet à Bains. Le pèlerin avale les kilomètres sur cette portion quasiment plate, où arbres et champs bordent le GR65. Au détour d’une petite descente qui mène au hameau de Lic, une ardoise indique le snack Poz’tonsac. Pas vraiment une étape officielle.
Dans son jardin, près de la maison où elle réside depuis presque 30 ans, Cathy, qui a pris l’habitude de conseiller les pèlerins, a voulu répondre à leurs besoins en proposant un dépannage express. Avec autorisation et dans les règles de l’art, cette ancienne assistante maternelle a installé un petit chalet en bois aux faux airs de marché de Noël. Depuis deux ans, elle n’accueille plus les enfants agités mais les Jacquets assoiffés. Dans son cabanon de 7 m², le paquet de chips s’affiche à moins de 1 €. Idem pour les boissons chaudes. Pour les sodas, on passe à 2 €.
Pour la salade de lentilles faite maison, il faut compter 4,80 €. Pourtant, Cathy peine à attirer la clientèle. « Les gens se restaurent à Saint-Christophe. Quand ils arrivent chez moi, ils n’achètent rien ou alors juste un café. » Son chiffre d’affaires varie entre 20 et 30 € par jour, du mardi au dimanche. Le lundi, quand L’Auberge du grand chemin est fermée, le tiroir-caisse de Cathy profite de l’aubaine. Pour atteindre facilement les 50 €.
Dans l’espoir d’augmenter ses recettes, la commerçante a franchi le pas. Comme la plupart des vendeurs du Chemin, le Poz’tonsac vient de faire son entrée dans le Miam Miam Dodo, le sacro-saint guide du Camino depuis 25 ans. Figurer au « Michelin des Pèlerins », c’est la garantie d’une clientèle régulière. « Au début, j’ai voulu faire sans. Maintenant que je suis dedans, ce n’est pas la panacée pour autant… » Le snack de Cathy n’a pas atterri sur la bonne page. « Je suis mentionnée au dos de la page de Saint-Christophe, la première vraie halte des marcheurs, donc les gens ne vont pas chercher plus loin. »
Sur ce chemin où tout le monde fait son business, Cathy avance à contre-courant. Et se contente aujourd’hui de se nourrir chaque jour de nouvelles rencontres. « Je savais que je n’allais pas faire fortune avec ce stand, mais ça me va. J’aime bien être au contact des pèlerins. J’ai entendu tellement d’histoires que je pourrais écrire un livre ! ». Difficile, cependant, de se frayer un chemin sans réveiller un esprit de concurrence aux antipodes des valeurs du Camino…
Jeanne Barraud et Chloé Lopez
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