La majeure partie de l’Auvergne est classée en zone sous dense : c’est-à-dire sous dotée et très sous dotée en orthophonistes. Conséquence de cette pénurie de professionnels : des mois et des mois pour obtenir un rendez-vous.
« Tous les jours, en cabinet libéral, nous sommes sollicités pour un bilan d’orthophonie. Les demandes affluent dans les cabinets qui sont surchargés. Actuellement, pour le secteur de Billom et la périphérie de Clermont-Ferrand, l’attente pour obtenir un rendez-vous est d’un an, voire dix-huit mois ! », concède Jennifer Mérigaud, orthophoniste et directrice du Centre universitaire de formation des orthophonistes, rattaché à l’UFR de médecine de Clermont-Ferrand.
Même observation dans la Haute-Loire, le Puy-en-Velay est pourtant situé dans une zone surdotée en orthophonistes : « Nous avons énormément de demandes et l’on reçoit des appels d’autres départements, voire de l’Ardêche, de la Lozère… Comptez un an à dix-huit mois pour obtenir un rendez-vous ! », observe Françoise Gerentes, orthophoniste et présidente du syndicat interdépartemental des orthophonistes d’Auvergne. La profession d’orthophoniste ne fait pas exception dans la problématique de la désertification médicale, et les disparités géographiques en AuRa sont flagrantes.
Des territoires auvergnats fragiles
Afin de lutter contre ces inégalités territoriales de santé, l’Agence régionale de santé a établi un zonage visant à mieux répartir les professionnels dans les zones les moins dotées grâce notamment à des aides à l’installation, celle-ci étant libre (voir les aides par ailleurs). Ce zonage (le deuxième depuis 2018) met en lumière, pour la grande région, que 13,9 % de la population vit en zone sous dense, c’est-à-dire des bassins de vie sous-dotés voire très sous-dotés en orthophonistes.
Dans le détail, ces chiffres atteignent des taux bien supérieurs dans les départements de l’ex-Auvergne, mettant en exergue la fragilité de certains territoires à l’instar du Cantal, où près de 70 % de la population vit en zone sous-dense en orthophonistes ! C’est 46 % pour l’Allier. La Haute-Loire et le Puy-de-Dôme étant un peu mieux lotis : 23,5 % pour la Haute-Loire et près de 23 % pour le Puy-de-Dôme.
Force est de constater que seuls trois petits secteurs, en région, sont très bien dotés : Royat, Chamalières, Riom et sa périphérie et Saint-Gervais d’Auvergne et alentours. Deux bassins apparaissent même surdotés : Moulins et le Puy-en-Velay. Mais à l’inverse, des bassins de vie dans l’est, le nord et le nord-ouest de l’Allier ainsi que dans le nord du Cantal sont très sous-dotés.
38 zones sous-denses en Auvergne sur 76 pour AuRA
« L’Auvergne compte 38 zones sous-denses sur les 76 répertoriées en Auvergne-Rhône-Alpes. Et sur les 3.000 orthophonistes en AuRA, seulement 273 exercent en libéral ou mixte en ex-Auvergne (300 avec les salariés). Si la situation s’est un peu améliorée dans le Puy-de-Dôme, certainement grâce à l’ouvertude du centre de formation, nous manquons d’orthophonistes particulièrement dans l’Allier et surtout le Cantal », relève Françoise Gerentes.
Le manque d’attractivité en question
Une des raisons évoquées à cette pénurie de professionnels est le manque d’attractivité notamment de l’exercice salarié. « Des bacs + 5 rémunérés bac + 4… Sur les 300 orthophonistes (libéraux et salariés) en Auvergne, la proportion de salariés est sensiblement la même qu’au plan national. 83 % travaillent en libéral. Cette proportion a tendance à se creuser encore davantage et le report se fait sur les cabinets en libéral. C’est un problème car les étudiants ont de plus en plus de mal à trouver des stages en structures hospitalières ou en centres spécifiques, faute d’encadrement suffisant. Or quand on n’a pas la possibilité de découvrir le travail collaboratif, en sortie d’école, on ne va pas naturellement s’orienter vers ce mode d’exercice », constate Jennifer Mérigaud.
Quelles solutions existent
Parmi les outils pour pallier les manques, une liste d’attente commune a notamment été créée en 2022. « Afin de trouver un orthophoniste, les patients peuvent s’inscrire en ligne. Nous recevons des alertes et pouvont ainsi les rappeler dès que l’on a de la place. Cela permet de mieux traiter l’urgence et de répartir les rendez-vous en termes de proximité géographique », souligne Françoise Gerantes qui constate qu’il y a beaucoup de personnes en attente.
Le seul centre de formation en Auvergne
Autre solution, en 2016, un centre de formation a vu le jour à Clermont-Ferrand, rattaché à la faculté de médecine. Une aubaine pour le territoire auvergnat qui ne comptait pas d’école d’orthophonistes. De surcroît, depuis 2020, l’accès ne se fait plus sur concours national mais via Parcoursup. Le numerus clausus national a été fixé à 25 étudiants, pour le centre de Clermont, et par promotion (il faut cinq ans pour former un orthophoniste). « Ça a changé la donne, souligne Jennifer Mérigaud, directrice du centre, car désormais la moitié de la promotion est originaire de la région, alors que la première promotion ne comptait aucun Auvergnat. On peut donc espérer que parmi eux, notamment les deux prochaines promotions, ils seront plus nombreux à s’installer en région. On mise la dessus », espère-t-elle. D’ores et déjà, en juin 2023, sur la troisième promotion, depuis la réforme, 8 ont décidé de rester en Auvergne.
Jeune diplômé, il s’installe en ville mais plus tard, en milieu rural
Guillaume Marsal, seul garçon de sa promo, va s’installer en Auvergne, après y avoir fait ses cinq d’études d’orthophoniste.
Guillaume Marsal, 24 ans, a terminé en juin, ses cinq années d’études d’orthophoniste au Centre de formation universitaire de Clermont-Ferrand.
Originaire du Puy-de-Dôme, il reconnaît avoir eu la chance d’obtenir (encore accessible à l’époque en 2018 sur concours national) une place au CFUO de sa région, car tout naturellement, c’est ici qu’il souhaite désormais travailler.
Après avoir hésité avec le métier de cuisinier, le jeune homme ne regrette rien. Une rencontre avec un orthophoniste et des étudiants l’aura convaincu de ce choix pour un métier dans le soin.
Une liste d’attente pour les rendez-vous. L’URPS des orthophonistes et le syndicat des orthophonistes ont créé la liste d’attente commune afin de permettre au public de trouver un orthophoniste. On remplit une fiche en ligne et l’on est placé sur liste d’attente. Lorsqu’une place se libère, on est appelé. Trouver un orthophoniste en ligne sur Inzee. care.
« J’ai découvert un métier aux multiples compétences dans lequel le lien social est fort. On peut vraiment accompagner les patients, et sur le long terme, constater une amélioration, une progression. Cela valorise les patients mais nous également. C’est un métier qui a du sens », souligne Guillaume qui concède que ce métier est mal connu. Lui a passé cinq années d’étude en étant le seul garçon de sa promotion de 25 étudiants.
« Cela n’a jamais été un problème. Je me suis toujours senti très à l’aise. Exercer ce métier correspond à un mode de pensée commune. Il peut être exercé par un homme comme par une femme. Le seul problème est qu’il est insuffisamment connu.
Après des stages en milieu hospitalier, et des remplacements en cabinets libéraux à Pontgibaud et Clermont-Ferrand, Guillaume envisage une première installation dans une maison de santé clermontoise pour un travail collaboratif qui est plutôt rassurant et stimulant en termes d’échanges avec d’autres professionnels. Mais d’ici cinq années, c’est en milieu rural, où la pénurie d’orthophonistes est encore plus criante, qu’il souhaite exercer.
« C’est un métier où l’on ne s’ennuie jamais. On ressent un bien-être au travail. Même si les journées peuvent être longues, il y a moins de stress, de pression qu’en cuisine ! On subit moins. Le plus difficile est de ne pas pouvoir répondre à toutes les demandes des patients. Il y a tellement d’appels… Et c’est le cas, même à Clermont. »
Où sont les orthophonistes ?
Le zonage est un des outils de lutte contre les inégalités territoriales de santé mis en œuvre par l’ARS (le dernier date de novembre 2023). De ce zonage en découle l’attribution d’allocation d’aides à l’installation et au maintien dans les zones identifiées comme plus fragiles. Le zonage a donc pour objectif de mieux répartir les professionnels dans les zones les moins dotées afin de garantir une réponse adaptée aux besoins de soins de la population. C’est une mesure incitative. Il n’existe pas, pour cette profession des orthophonistes, de restrictions à l’installation dans les territoires les plus dotés, mais des aides et incitations à l’installation et à l’exercice dans les zones sous-denses.
Aides disponibles. Dans les zones sous-denses, les orthophonistes peuvent bénéficier d’aides conventionnelles, d’aides des collectivités territoriales. Des contrats d’aide à l’installation pour ceux s’engageant à installer dans ces zones pour 5 ans. Des contrats d’aide à la première installation en libéral et d’aide au maintien. Des aides financées par l’Agence régionale de santé AuRa. Voir Paps : portail d’accompagnement des professionnels de santé : https://www.auvergne-rhone-alpes.paps.sante.fr/
Michèle Gardette
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