Du Puy-en-Velay à Berlin, de Fra Angelico à Rossellini, la cinéaste Isabelle Brocard explore et bouscule les idées reçues sur le mythe de la Vierge. Et lui donne de nouveaux visages.
Publié le 05 janvier 2025 à 11h00
De Marie, la cinéaste Isabelle Brocard a longtemps eu l’image convenue d’une femme douce et pure, au sourire béat. « Tout ce que l’on n’a pas envie d’être lorsque l’on est une petite fille », se souvient-elle ; comme de ce prêtre à qui elle demanda pourquoi il fallait que celle-ci fût vierge et qui lui répondit : « Arrête de poser des questions. » Isabelle Brocard n’a pas arrêté d’en poser, mais n’est plus retournée au confessionnal.
Bien des années plus tard, elle a approfondi ses connaissances sur le mythe marial, s’est plongée dans des livres, et retrace aujourd’hui dans Tout sur Marie vingt siècles d’interprétations et d’instrumentalisations de cette figure vénérée, omniprésente dans les églises comme dans les musées. « J’avais d’abord pensé réaliser un film d’animation un peu autobiographique, une sorte d’autofiction rigolote autour de mon histoire avec Marie ; mais ça ne s’est pas fait. » Plus didactique est le projet de ce documentaire en deux parties, qui l’a conduite à glaner des réponses du Puy-en-Velay à Sienne, Rome ou Berlin.
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« En Israël, j’ai rencontré des religieuses très ouvertes, dont la supérieure m’a dit : “Il y a une chose essentielle à savoir sur Marie : c’est d’abord une grande amoureuse.” L’entendre m’expliquer que cette femme avait un tel amour de Dieu qu’elle l’a reçu dans son propre corps m’a saisie. » De la représentation fade du catéchisme à cette image de mystique « presque inquiétante dans sa puissance désirante », il y avait un monde qui se retrouve dans son film, porté par la parole généreuse et libre de la bibliste Anne Soupa, de la théologienne Marion Muller-Colard, de l’anthropologue Dominique Desjeux ou de l’historienne Annick Delfosse. Porté aussi par dix-huit siècles de peintures évocatrices des interprétations qu’elle a pu inspirer comme des dogmes plaqués sur elle, finement historicisés.
Marie, la révolutionnaire ?
Jusque dans son choix d’extraits de films appelés à ouvrir le discours à une part d’imaginaire, Isabelle Brocard privilégie l’expression très caractérisée d’un Pasolini (L’Évangile selon saint Matthieu), d’un Tarkovski (Le Miroir) ou d’un Rossellini (Stromboli), digne des peintures de Fra Angelico, Jean Fouquet ou Vélasquez qu’exploite son documentaire. Ainsi s’affirme aussi une lecture dépoussiérée du mythe, loin de cette mariologie sclérosée qui assigne Marie à la maternité, la compassion et l’obéissance. « D’elle, on connaît surtout l’épisode de l’Annonciation, remarque la cinéaste. On oublie souvent que, quelques jours plus tard, rendant visite à sa cousine, elle chante le Magnificat qui est très clairement un programme d’inversion des valeurs. Un texte révolutionnaire, appelant à renverser les puissants de leur trône et à nourrir les affamés. »
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On oublie aussi que la dictature argentine en fit effacer le verset concerné, que « trois Pussy Riot ont été arrêtées en 2012 pour avoir chanté “Sainte Marie, mère de Dieu, chasse Poutine” » ou que « de Beyoncé à [la plasticienne] Orlan, de nombreuses artistes féministes ont mis en scène de nouvelles figures mariales ». « Quand on enferme Marie dans une image aseptisée, on perd la part imaginaire de la croyance et on limite le sacré à une religion moralisante », souligne Isabelle Brocard, qui envisage aujourd’hui d’aborder une autre figure biblique : Marie-Madeleine. « Après la Vierge, la putain », annonce la cinéaste, convaincue qu’elle aussi à « beaucoup à nous dire ».
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