Sur fond de post-Covid-19, certains chemins de grande randonnée, comme le Stevenson ou le Compostelle, sont portés par le désir de nature et de ressourcement. Revers de la médaille : beaucoup d’apprentis marcheurs partent à l’aveuglette.
La grande randonnée a vécu une véritable envolée après le Covid-19. Et pas de chute pour l’instant à l’horizon, plutôt même une poursuite de l’ascension.
2023 a signé un record de fréquentation pour les chemins de Saint-Jacques, avec 446 000 pèlerins recensés à l’arrivée en Galice par l’office chargé de délivrer la Compostela, le passeport du pèlerin. 100 000 de plus que le record de 2019.
De ce demi-million de personnes, toutefois, peu passent par la France. Selon l’office de tourisme du Puy-en-Velay, « on parle d’environ 32 000 marcheurs au départ du Puy en 2023 pour Compostelle« , le chemin français le plus coté, sur la base de la présence à la messe dédiée aux marcheurs tous les matins à la cathédrale. Au plus fort de la saison estivale, 400 pèlerins assistent à la messe avant de partir.
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La comparaison avec 2009 est édifiante : 15 500 marcheurs à l’époque. Moitié moins. « Je pense qu’en 2024, on est bien parti pour exploser le chiffre, peut-être de 10 à 15 % supplémentaires« , prédit Laure Koupaliantz, la directrice de l’agence française des chemins de Compostelle (AFCC).
Côté nationalités, selon l’office des pèlerins à Santiago, seuls 10 000 Français étaient recensés en 2023, une goutte d’eau par rapport aux Espagnols, plus de 200 000 personnes. « La motivation religieuse est plus forte qu’en France, souligne Laure Koupaliantz. Et puis les jeunes mettent le chemin sur leur CV, ça fait bien. Les écoles organisent des marches. C’est très vivant, festif même, en traversant les régions viticoles. » Il suffit de cent kilomètres pour obtenir sa Compostela.
Stevenson : bilan épatant
Il reste donc de la marge côté français, et pourtant, la fréquentation des chemins a bel et bien aussi grimpé en flèche. Et pas que sur le chemin franco-espagnol. Son cousin presque exclusivement languedocien (Lozère et Gard), le chemin de Stevenson, se porte très bien, merci.
Il part lui aussi du Puy-en-Velay, ou du Monastier-sur-Gazeille, départ originel de l’écrivain Robert-Louis Stevenson en 1879. En 2023, il enregistrait 14 400 passages sur la base des éco-compteurs positionnés sur le tracé, le double d’il y a cinq ans !
Le cocktail dopant : un tiers pour le film Antoinette dans les Cévennes (qui empruntait le chemin Stevenson, NDLR), en 2020, et qui a donné des idées à beaucoup de gens ; un tiers pour le Covid-19 et la fermeture des frontières ; un dernier tiers pour l’aspiration aux grands espaces, au tourisme vert. Le Stevenson arrive même en tête des ventes des topo-guides de la Fédération française de randonnée. Pas question de le faire la fleur au fusil, sans réserver ses hébergements. Trop de monde. Le chemin est victime de son succès.
Son histoire, pourtant, est très récente : l’association qui promeut son itinéraire fête cette année ses 30 ans. Et le GR n’est que de deux ans plus âgé. Bref, de la roupie de sansonnet pour le millénaire chemin de Compostelle, institué au IXe siècle pour venir honorer à Santiago, en Galice, les reliques de saint Jacques, apôtre du Christ martyrisé.
Entre le Stevenson et le Compostelle, peut-être aussi une différence de motivations : très ancrées sur la nature pour les adeptes du premier, un peu plus sur l’introspection pour ceux du deuxième. Le format du Stevenson séduit : 270 km, de quoi être bouclé en dix jours, contrairement à Compostelle, qui peut virer au chemin de croix sur 1 500 kilomètres. D’ailleurs, beaucoup morcellent le parcours, y compris sur plusieurs années, voire empruntent un bus pour partie.
Il y a 30 ans, donc, dans la mouvance du Club cévenol, une poignée d’hébergeurs, restaurateurs, guides et randonneurs s’étaient unis pour créer un GR suivant la trace de Stevenson et de son ânesse Modestine.
Des primo-randonneurs
Trente ans plus tard, le bilan est épatant pour un chemin labellisé “Itinéraire culturel européen”. Avec quelques bémols récents : « Ce que l’on a vu, c’est un changement de profils, avec beaucoup de primo-randonneurs qui ne connaissent pas les codes », insiste Joyce Lévéjac, cheffe de projet de l’association Sur les pas de Robert-Louis Stevenson.
« Le public a changé, il faut un permis pour conduire, il faudrait un permis pour randonner, peste Michel Verdier, un pur randonneur qui tient le gîte Le pré de Modestine à Saint-Jean-du-Gard. Il y a de moins en moins de vrais randonneurs. Certains ne sont pas équipés, ne savent pas lire un balisage. On se demande pourquoi ils marchent : rien ne va, ils ont trop chaud, trop froid, ça monte trop, ça descend trop ! Et ils ne sont pas capables de randonner avec un sac à dos, ils font appel à du transport de bagages. Ce n’est pas très écologique tout ça… »
Une retraitée cévenole se souvient d’avoir pris en stop une jeune femme partie d’Alès pour faire le Stevenson et qui était prête à abandonner au bout de quelques kilomètres : « Elle était chargée comme une mule. J’ai insisté sur le fait qu’il fallait trier. Elle m’a laissé deux livres, dont un sur le développement personnel. Et puis elle est repartie. Je ne sais pas combien de temps elle a tenu. »
Saint-Jacques-de-Compostelle : à la croisée des chemins spirituels
Une étude commandée par l’Agence française des chemins de Compostelle souligne que 50 % marchent pour faire « une rupture ». 10 % seulement sont dans une démarche de foi proprement dite.
« C’est un chemin bouddhiste qui prépare à une dimension spirituelle mais qui ne vous impose pas une croyance« , raconte l’écrivain Jean-Christophe Rufin, qui a publié le livre Immortelle randonnée.
Il a aimé l’idée « qu’on se dépouille de son rôle social » : « Le pèlerin qui rencontre un autre pèlerin lui demande “D’où viens-tu ?” et pas “Qui es-tu ?”. On n’est plus personne. Que soi-même. »
Une randonneuse gardoise, Claudine Larguier, qui compte à son actif huit chemins de Saint-Jacques, apprécie cette dimension : « Tout le monde est à la même enseigne, habillé à peu près de la même manière. On est limité par le poids qu’on porte. Les gens ne se racontent pas leur vie. On parle de l’endroit où dormir, manger, avoir de l’eau. Les gens ne ressentent pas le besoin de parler de ce qu’ils ont fait avant, de leur boulot.«
Pour elle, le chemin est aussi une sorte de quête spirituelle : « On se pose des questions existentielles. On passe dans des lieux porteurs d’une certaine énergie, comme les églises, ou en pleine montagne, qui font ressentir des choses profondes. »
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